Sélectionner une page

De l’idée de départ d’une intrigue au récit : Les six étapes

Les termes en italique sont propres à ce site. Vous trouverez leurs définitions dans le glossaire.

Nous proposons ici de parcourir toutes les étapes de la création d’un récit, de l’idée initiale aux contributions spécifique d’un agent narrateur à la narration, en les illustrant d’exemples tirés de la pièce Cyrano de Bergerac.

C’est grâce au recueil d’articles publié en 1844 par Théophile Gautier, intitulé Les Grotesques, qu’Edmond Rostand découvre un poète français né en 1619, nommé Savinien de Cyrano de Bergerac. Quelques années plus tard, il crée une pièce en associant la personnalité extravertie du Cyrano historique, ses caractéristiques physiques (notamment un nez proéminent) et sa carrière hétéroclite (littérature, science, musique, armée) à un épisode de sa propre vie, au cours duquel, pour aider un ami à séduire une jeune femme snob, il lui composa des phrases susceptibles de produire l’effet désiré…

Le propos ici n’est pas de présenter la genèse de la pièce de Rostand et la liste de ses différentes sources d’inspiration, mais de soumettre à réflexion la situation « théorique » dans laquelle cette intrigue et ce récit seraient élaborés à partir d’une simple idée de départ. C’est donc le point de vue d’un agent narrateur en train de créer une intrigue et son récit que nous adopterons ici, et non pas celui d’un exégète ou d’un critique littéraire.

Il ne s’agit non plus d’une proposition de méthode, mais d’un exercice purement spéculatif destiné à parcourir toutes les étapes d’une création narrative. Dans la réalité, une intrigue peut être tirée de n’importe quel matériel de base et son élaboration peut démarrer à n’importe quelle étape de la genèse d’une œuvre, y compris celle de la mise en récit.

1ère étape : Définir le cœur de l’intrigue

Toute intrigue peut se définir comme la poursuite (objectif) contrariée, impossible, ralentie, etc. (obstacle) de l’accomplissement d’au moins l’une de ces aspirations universelles :

  • Sécurité physique et matérielle,
  • Justice,
  • Liberté,
  • Amour et amitié,
  • Identité individuelle et sociale.

La création d’une intrigue peut commencer par la simple sélection d’une de ces notions abstraites.

Le cœur de l’intrigue de la pièce de Rostand est un amour impossible. Le protagoniste ne peut pas vivre la relation amoureuse qu’il désire.

L’évènement d’intrigue se situe lorsque le protagoniste réalise qu’il est dans l’impossibilité d’exprimer ses sentiments amoureux.

L’amour contrarié est un moteur d’intrigue souvent adopté par le drame romantique. (p. ex. Roméo et Juliette) À plusieurs reprises dans la pièce, Rostand appliquera le facteur typification (par ex. : le mariage secret par un capucin, la retraite dans un couvent, etc.)

2ème étape : Qui ? Où ? Comment ?

Les causes et la nature de l’évènement d’intrigue sont définies en répondant aux questions suivantes :

  • Qui est le∙la protagoniste, agent de cet évènement en particulier, et quel(s) trait(s) de « caractérisation » est(sont) éventuellement à l’origine de l’obstacle ?
  • Quel est le monde dans lequel se passe cet évènement, et comment l’influence-t-il ?
  • De quel type d’évènement (contingent, fonctionnel, interpersonnel, intrapersonnel) s’agit-il ?

Sauf intervention « métaleptique » de l’agent narrateur, lobstacle de l’évènement clé de l’intrigue provient soit du monde dans lequel il a lieu, soit du protagoniste.

L’agent narrateur de Cyrano de Bergerac a choisi le protagoniste, plutôt que le monde, comme c’est par exemple le cas dans Roméo et Juliette de Shakespeare. C’est donc la « caractérisation » qui produit ce qui empêche le protagoniste de déclarer son amour à une femme qu’il aime.

Le facteur cohésion est appliqué à l’outil « caractérisation » (c’est-à-dire qu’un lien est établi entre la personnalité du protagoniste et son objectif), plus précisément l’incompatibilité.

Il y a un trait, chez le protagoniste, qui rend impossible la réalisation de l’objectif : la taille démesurée de son nez.

Le protagoniste est convaincu que la femme qu’il aime le rejettera à cause d’un détail esthétique. Il a développé un complexe d’infériorité qui l’empêche de s’exprimer. L’évènement central de l’intrigue est de type intrapersonnel.

L’avantage de l’application du facteur cohésion/incompatibilité à un trait physique de « caractérisation » est qu’il peut ouvrir la porte à une réflexion sur la nature de la relation amoureuse, les conditions requises pour en bénéficier (la beauté du corps vs la grandeur de l’âme, etc.) et la notion même d’incompatibilité (pourquoi le protagoniste croit-il qu’un nez hors norme et un obstacle à l’amour ?) L’agent narrateur de Cyrano conjuguera certains de ces thèmes à différents niveaux du récit (voir ci-dessous).

Le trait particulier qui vient d’être choisi appelle d’autres éléments de « caractérisation » dont le but est soit de contrebalancer (cohésion/contradiction) une « faiblesse de caractère » par des attributs plus héroïques, soit de participer à la vraisemblance d’une personnalité.

Ainsi Cyrano est maître dans l’art de l’escrime, celui de l’éloquence, de la littérature, de la science, de la musique… C’est un personnage dont les compétences, la brillance, le « panache » suscitent l’admiration de tous. L’agent narrateur veut manifestement faire de son protagoniste un personnage remarquable (qu’y a-t-il derrière cette intention ?)

Mais ces dons multiples peuvent également être considérés comme des conséquences de son complexe d’infériorité. Ils pourraient être liés à ce dernier par l’application de différents facteurs de cohésion.

  • Cyrano cherche à effacer son sentiment d’infériorité en « surcompensant » avec des réactions violentes lorsqu’on évoque son nez, l’usage intempestif de son épée et des discours péremptoires. Sa témérité et son besoin d’attention peuvent être des mécanismes de défense.
  • Faute de pouvoir satisfaire ses besoins sexuels, Cyrano les « sublime » en dirigeant ses pulsions créatrices vers la littérature, la poésie, la nourriture, etc., un processus définit par Freud quelques années après la première de la pièce de Rostand.
  • Cyrano revendique une indépendance sans compromis (il refuse le protecteur qu’on lui offre) en réaction à la soumission que son nez lui impose et à laquelle il est incapable de se libérer.
  • Il n’hésite pas à imposer ses volontés aux autres (il arrête une représentation théâtrale de manière arbitraire) et provoquer ainsi leur antipathie, comme si, ne s’aimant pas lui-même, il donnait aux autres une raison pour partager ce sentiment à son encontre.

Le fait que Cyrano n’arrive pas à déclarer son amour à Roxanne n’est que marginalement dû à la société parisienne sous Louis XIII (monde de l’intrigue). Le complexe d’infériorité du protagoniste pourrait facilement être transposé dans n’importe quelle époque, y compris la nôtre. Le choix du XVIIe siècle est donc une intention de l’agent narrateur. Rostand a estimé que cette période et son langage (les pièces de Molière), qu’il imitera, semble-t-il, avec délectation, étaient suffisamment familiers à son public pour ne pas avoir à situer l’action dans un autre contexte historico-social, ce que n’hésiteront pas à faire les auteurs des nombreuses reprises « modernes » de la pièce.

Néanmoins, le monde de l’intrigue est source d’autres obstacles qui seront exploités lors du développement de l’intrigue.

Cyrano se révolte, à travers son comportement parfois excentrique, contre une société où les apparences, les canons de la beauté physique et les privilèges aristocratiques sont des valeurs dominantes. Il n’est pas beau, n’est pas habillé comme il le faudrait et n’a aucune envie de sacrifier sa liberté personnelle à l’autel des conventions et autres règles sociales.

Le siège d’Arras, fait historique, fournit des obstacles propres à révéler la nature profonde du protagoniste : Cyrano est éloigné de Roxane, laquelle est éloignée de Christian, et l’endroit peut être mortel (enjeux/risques). Ni l’un ni l’autre ne laisseront ces inconvénients les empêcher de suivre leurs cœurs.

En tant que soldat, Cyrano fait partie d’une hiérarchie à laquelle appartient l’antagoniste principal (obstacle interpersonnel). Le conte de Guiche poursuit le même objectif principal que Cyrano : séduire Roxane. Les deux hommes sont donc en compétition (facteur cohésion/contradiction). Les moyens de de Guiche sont variés et parfois identiques à ceux de Cyrano.

Facteur cohésion/concordance : Comme Cyrano, de Guiche met au point une tromperie pour avoir accès à Roxane, laquelle implique une tierce personne. De Guiche, marié, veut que Roxane épouse le comte de Valvert, dont la principale qualité, à ses yeux, est la complaisance, alors que Cyrano exploite le manque d’éloquence de Christian. Les deux hommes ne tiennent pas compte de l’opinion de Roxane. L’amour justifie-t-il les moyens ? (Fonction expérience cognitive)

3ème étape : Explorer les potentiels de l’évènement d’intrigue

À la troisième étape, l’agent narrateur choisit lequel ou lesquels des développements (possibles, réalistes ou non, vraisemblables) de la situation établie à la deuxième étape sont pertinents à ses yeux.

Que peut-il arriver à un noble français du XVIIe siècle, homme de lettres, orateur brillant, bagarreur et égocentrique, qu’un complexe d’infériorité dû à la taille de son nez empêche d’exprimer ses sentiments amoureux ?

  1. Roxane tombe amoureuse de lui malgré tout.
  2. Cyrano suit une thérapie et guérit de son complexe d’infériorité.
  3. Il tombe amoureux d’une autre femme qui n’a pas de problème avec son nez.
  4. Cyrano ne parviendra jamais à exprimer ses sentiments (intrapersonnel).
  5. Roxanne est amoureuse d’un autre homme (interpersonnel)
  6. Elle découvre les sentiments de Cyrano au moment de la mort de celui-ci (contingent)

En choisissant les trois derniers développements, les moins favorables pour le protagoniste, l’agent narrateur semble vouloir privilégier la dimension pathétique de son personnage principal et provoquer une réaction émotionnelle de compassion chez l’agent récepteur.

Il est possible de voir ici l’application ici du facteur typification (la souffrance amoureuse, thème récurrent du drame romantique, auquel la pièce emprunte de nombreuses caractéristiques) et le facteur intentionnalité (le sacrifice sublime et le dépassement de soi du protagoniste (« caractérisation ») font échos au sentiment de morosité et aux doutes qui languissent en France depuis la défaite de 1870). L’agent narrateur peut être influencé par le contexte socioculturel de sa production narrative.

Le quatrième développement, qui constitue une proposition « réaliste » (Cyrano ne peut pas être rejeté par toutes les femmes) est brièvement exploité dans les scènes 4 et 5 du premier acte, en tant qu’obstacle collatéral « adjuvant » (voir la 4e étape) Le Bret, confident de Cyrano, lui rappelle la bienveillance d’une « distributrice » : Cette petite qui t’offrait là, tantôt, ce modeste repas, ses yeux, tu l’as bien vu, ne te détestait pas ! (p.77), Mais Cyrano se contente d’un plat C’est vrai ! Le laconisme de cette action verbale (se déclarer d’accord) révèle l’état d’esprit du protagoniste : en dehors de Roxane, aucune autre femme n’existe…

4ème étape : Élargir le champ d’application de l’évènement d’intrigue

La liste des développements possibles de l’évènement de départ est le résultat de l’application d’une logique binaire : Cyrano parvient ou non à exprimer ses sentiments, Roxanne est amoureuse ou non de Cyrano, elle découvre ou non ses sentiments…

En choisissant ici systématiquement les issues négatives, l’agent narrateur limite les possibilités de faire évoluer son intrigue. Combien de tentatives infructueuses peut faire un protagoniste pour atteindre un objectif, qu’il est convaincu d’être hors de sa portée, avant de se/nous lasser ?

À ce stade, l’agent narrateur peut estimer qu’un nouvel évènement est nécessaire pour réorienter l’attention du protagoniste vers un objectif accessible et susceptible de le rendre actif (et plus seulement résigné).

Pour définir cet évènement, il faut garder en mémoire l’objectif initial : Cyrano aimerait déclarer ses sentiments à Roxane et la séduire.

On peut envisager que le protagoniste change de stratégie (le nouvel évènement serait la découverte d’une autre méthode pour atteindre son objectif, une sorte de moment « eurêka »)

Si ce n’est pas possible/souhaitable, et si l’objectif initial (évènement intrapersonnel) n’est pas modifiable, alors on peut appliquer le facteur cohésion/succédané à l’objectif initial. Il faut trouver un nouvel objectif qui possède en partie les mêmes effets que le précédent.

Cyrano exprime ses sentiments à Roxane, mais il n’atteint que partiellement son objectif car la jeune femme doit ignorer que c’est lui qui le fait…

Cyrano pourrait écrire des lettres d’amour anonymes, mais le potentiel d’imprévus (évènements) reste limité.

Cyrano pourrait en écrire pour quelqu’un d’autre, un autre prétendant qui n’a pas son talent oratoire, et qui donc, comme lui, souffre d’un « handicap » (cohésion/analogie).

L’introduction d’un troisième protagoniste a pour avantage d’augmenter le potentiel d’évènements (interpersonnel), mais la question de la motivation se pose : pourquoi le protagoniste aiderait-il un rival ?

L’application du facteur enjeux et risques à l’objectif initial ouvre la voie à une solution contre-intuitive qui génère d’intéressantes questions sur la nature de la relation amoureuse.

Cyrano aime Roxane. L’amour de Roxane est l’enjeu.

Christian et Roxane s’aiment. Le risque est que Cyrano perde Roxane pour toujours.

Logiquement, Cyrano devrait traiter Christian de la même manière qu’il traite l’acteur Montfleury, lequel s’est permis de s’intéresser de trop près à Roxane (au premier acte, il le force à quitter la scène).

Mais c’est une logique « absurde » qui est appliquée ici : Cyrano ne peut qu’aider Christian, car s’il lui faisait du mal il rendrait Roxane malheureuse et gâcherait ses chances avec elle. Il se rapproche ainsi de Roxane en pouvant exprimer ses émotions amoureuses, mais s’en éloigne, car sa contribution rapproche Roxane de Christian… C’est l’absurdité tragique du nouvel objectif du protagoniste.

Cyrano trompe Roxane par amour et se trompe lui-même en se donnant l’impression de vivre une relation amoureuse avec elle. L’expression verbale ou écrite de sentiments devient un obstacle à leur réalisation. L’amour tue l’amour, etc. (fonction expérience cognitive).

5ème étape : Obstacles collatéraux

L’agent narrateur soumet ensuite son protagoniste à des obstacles qui n’ont pas de relation directe avec l’évènement central de l’intrigue (ici l’impossibilité de Cyrano de dire à Roxane qu’il l’aime), mais testent ses motivations, révèle sa nature profonde.

Le comte de Guiche, personnage historique, figure d’autorité du monde de l’intrigue et rival de Cyrano (étape 2) génère des obstacles collatéraux qui apportent une lumière nouvelle sur le protagoniste.

Obstacle interpersonnel / Cohésion (rivalité) : De Guiche s’en prend à Lignière, un ami de Cyrano (obstacle interpersonnel). Cyrano se bat à la tour de Nesle contre cent mercenaires envoyés par le comte pour éliminer Lignière, faisant ainsi preuve d’une fidélité remarquable en amitié. Cyrano sera fidèle à Christian jusqu’à sa mort (fonction expérience émotionnelle).

Obstacle interpersonnel / Cohésion (contradiction) : Cyrano se bat contre le comte de Valvert, l’homme de paille de de Guiche, qui lui reproche de ne pas avoir de gants (obstacle interpersonnel). Cyrano se moque de la superficialité de son adversaire et revendique son indépendance et sa franchise. Plus tard de Guiche fait une nouvelle tentative pour neutraliser son rival en lui proposant de devenir son protecteur, mais Cyrano lui oppose un refus sec qu’il étoffe dans la longue tirade des « non merci ». Pendant le siège d’Arras, Cyrano mouche la fierté arrogante de de Guiche en récupérant son écharpe derrière les lignes ennemies. Un autre acte d’indépendance (fonction expérience cognitive).

Obstacle interpersonnel / Enjeux & risques : De Guiche croit pouvoir exploiter à son avantage les évènements politiques (l’occupation d’Arras par les Espagnols et le siège décidé par Louis XIII) en envoyant Cyrano et Christian à la guerre. Mais Roxane le convainc de faire le contraire (l’enjeu est l’humiliation de Cyrano). Cyrano ne sera pas mis au courant de cette manipulation et Roxane en utilisera une autre pour épouser Christian.

Obstacle interpersonnel / Cohésion (a contrario) : Cyrano parvient à détourner de Guiche de Roxane en se faisant passer pour quelqu’un d’autre, un être qui débarque de la lune. Il l’impressionne par un discours « scientifique ». L’éloquence du protagoniste ne séduit pas seulement celle qu’il convoite, mais également son rival. Plus tard, lors du siège, de Guiche décide de rester pour protéger Roxane. Cette preuve d’amour convainc Cyrano et les autres cadets qu’il ne peut pas être un mauvais homme. Dans les deux cas, les personnages ont découvert un aspect de l’autre qui contredit l’hypothèse qu’ils s’en faisaient.

Ragueneau, comme Cyrano, espère changer de statut Obstacle interpersonnel / cohésion (analogie). Rôtisseur-pâtissier, il sponsorise des poètes tout en rêvant d’en devenir un, pendant que Cyrano espère se mettre dans la peau d’un amoureux. Cyrano s’identifie à Ragueneau « Toi ; tu me plais ». Son ami perd l’amour de sa femme (elle le « ridicoculise » malgré les avertissements de Cyrano), et son magasin. Il finit moucheur de chandelle chez Molière. Les derniers vers de Cyrano peuvent s’appliquer à cet autre « raté magnifique » : « Pendant que je restais en bas, dans l’ombre noire, d’autres montaient cueillir le baiser de la gloire ! C’est justice, et j’approuve au seuil de mon tombeau. Molière a du génie et Christian était beau. »

L’argent (obstacle fonctionnel / cohérence (causalité). Cyrano dépense tout son argent pour payer les acteurs qu’il a empêché de jouer. À la fin de sa vie, il vit dans la misère. Ne pas s’inféoder peut avoir des conséquences économiques dans ce monde basé sur un système de corporations et de népotisme.

Cyrano est livré aux regards des autres, qui, consciemment ou non, exploitent la paranoïa du protagoniste (obstacle intrapersonnel).

La duègne, dame de compagnie de Roxane et son chaperon, représente un obstacle vite neutralisé par Cyrano qui exploite sa simplicité et sa gourmandise (une autre forme de manipulation).

Le Bret. L’ami de Cyrano dont la seule fonction (« caractérisation ») est de confronter Cyrano aux enjeux et risques associés à ses comportements. La répétition de la réplique de Cyrano « Le Bret grogne » contribue à désamorcer cet obstacle.

Les Espagnols (compétence, réalisme). Leur entrée en scène est un évènement contingent historique. L’agent narrateur connaît l’Histoire du monde de son intrigue et exploite l’épisode ironique du siège d’Arras où les Français, assiégeurs, se retrouvent assiégés (un autre cas de fracture identitaire), faisant écho à la situation personnelle de Cyrano : ses tentatives pour se rapprocher de Roxane l’ont éloigné d’elle. La situation teste la solidité de ses sentiments : il risque sa vie plusieurs fois par jour pour poster les lettres qu’il écrit à Roxane au nom de Christian.

La faim. Les poètes et les soldats se précipitent sur la nourriture qui leur est offerte, mais Cyrano ne mange pas. Juste un grain de raisin au premier acte, rien du tout dans la boutique de Raqueneau remplie de nourriture, rien devant le siège d’Arras. Cyrano est un protagoniste qui n’a pas accès aux plaisirs de la bonne chère obstacle fonctionnel / cohésion (contradiction).

Les nonnes du cinquième acte sont les gardiennes « inutiles » d’une morale que Cyrano prétend avoir transgressées en ayant « fait gras » le vendredi (un bon catholique ne mange pas de viande ce jour-là), or nous savons qu’il n’en a pas les moyens, que la bienséance a été respectée dans cette histoire et que le protagoniste est resté (probablement) aussi chaste que les religieuses (identité fracturée).

La mère de Cyrano ne l’a pas aimé. « Ma mère ne m’a pas trouvé beau » (Acte 5, scène 6). C’est l’évènement premier de l’histoire du protagoniste, une « injonction » parentale à l’origine de beaucoup des évènements de l’intrigue narrée par la pièce.

Structure de l’intrigue

Arrivé à ce stade, il devrait être possible de reconnaître les cinq parties de la structure naturelle de l’intrigue.

  • Première partie : La chenille Cyrano

Acte 1 + Acte 2. Cyrano est sous l’emprise de son complexe d’infériorité. Il compense par une attitude de va-t’en guerre qui le ruine psychologiquement et matériellement. Sur le front de son amour fantasmé, les dangers s’accumulent : plusieurs hommes s’intéressent à Roxane et Cyrano sent qu’elle peut lui échapper définitivement. Une coïncidence (Christian ne sait pas parler aux femmes) lui donne une idée qui lui permettra de rêver encore un peu.

“Toi du charme physique et vainqueur, prête-m’en

Et faisons à nous deux un héros de roman !

  • Deuxième partie : Le touriste Cyrano

Cyrano propose à Christian d’envoyer en son nom des lettres qu’il a écrites à Roxane. Il a les yeux qui brillent, mais n’avoue pas son plaisir.

« Tu verras que je fus dans cette lettre – prends ! –

D’autant plus éloquent que j’étais moins sincère ! »

Cyrano joue avec ses vrais sentiments et ne prend pas (encore) de vrais risques.

  • Troisième partie : L’explorateur Cyrano

L’imposture prend de l’ampleur : Acte III, scène 7. Sous le balcon de Roxane, Cyrano souffle ses répliques à Christian « en direct ». La jeune femme se doute de quelque chose. Cyrano pousse Christian de côté et prend sa place. Le protagoniste explore un territoire inédit pour lui, celui du contact direct avec la bien-aimée et des émotions non littéraires. Il lui parle d’abord avec l’éloquence ampoulée de ses lettres, puis l’émotion le gagne. Il laisse son cœur s’exprimer :

 « Mon langage jamais jusqu’ici n’est sorti de mon vrai cœur » « Mais ce soir, il me semble que je vais vous parler pour la première fois », « J’ose être enfin moi-même » (p. 167)

  • Quatrième partie : La souffrance Cyrano

Cyrano ne sera pleinement lui-même que lorsque Roxane saura qui il est. Mais il est convaincu que ceci est impossible. Son rapprochement physique avec la jeune femme ravive la plaie causée par cette « impossibilité ».  À l’acte IV, au siège d’Arras, Cyrano et Roxane sont séparés d’abord physiquement, puis par l’évolution des sentiments de la jeune femme pour Christian : elle ne l’aime plus maintenant pour sa beauté, mais pour son âme. La mort de Christian finalise l’impossible rapprochement. À l’obstacle psychologique vient s’ajouter une impossibilité morale : Il ne peut pas détruire l’image que s’est faite Roxane de Christian.

J’ai deux morts à venger : Christian et mon bonheur !

  • Cinquième partie : Le papillon Cyrano

Acte V. Pendant quatorze ans, Cyrano rencontre Roxane une fois par semaine sans lui dire ce qu’il a fait, sans lui exprimer ses sentiments. Il parvient maintenant à se contenter du rôle de l’ami fidèle et dévoué (le « papillon »). Son discours amoureux s’est transformé en discours de commérages dérisoires (« ma gazette »).

L’agent narrateur doit choisir un dernier obstacle pour boucler l’intrigue. Ce choix est dépendant du sens qu’il×elle veut donner à son récit. C’est pourquoi la fin est souvent arrêtée lors de l’étape suivante.

6ème étape : le récit.

La mise en récit de l’intrigue consiste à utiliser les outils narratifs auxquels sont appliqués des facteurs dans le but de remplir au moins l’une des trois fonctions narratives.

Eu égard à notre approche pragmatique, nous partirons de l’hypothèse que l’agent narrateur effectue un choix conscient de fonctions narratives, c’est-à-dire qu’il vise des effets spécifiques en narrant son intrigue. Dans la pratique ce n’est pas toujours le cas et le processus peut se résumer à une opération purement intuitive.

Voici quelques exemples de choix de mise en récit tirés du texte de la pièce.

« Cyrano de Bergerac, comédie héroïque »

L’auteur nous informe du genre de son récit sur la première page de sa pièce, en dessous du titre. Il nous avertit de son intention de nous raconter les faits et gestes d’un personnage hors norme (un « superhéros » ?)

Le mot « comédie » annonce qu’il veut nous faire rire des comportements héroïques de son protagoniste. Cette distanciation d’entrée fait l’impasse sur le destin tragique du héros (la pièce est plutôt un drame romantique). Veut-on renforcer la surprise par rapport au mélange des genres auquel Rostand s’adonne sans retenue ? Ou de la mort de Cyrano à la fin ? (Seule la mort peut dénouer l’incompatibilité…)

Théâtre romantique ou néo-romantique

En faisant tourner la vie de son protagoniste autour de deux valeurs, l’amour et l’honneur, dont les émotions sont amplifiées : colère, courage, souffrances, désespoir, l’agent narrateur révèle son influence du théâtre romantique et l’importance de l’expression des états d’âme.

Nombre de personnages

La première scène de la pièce témoigne de la volonté de nous impressionner par le nombre de personnages et l’attention portée à des détails réalistes qui « caractérisent » les personnages à travers leurs actions : les cavaliers s’entraînent à l’escrime, les laquais jouent au brelan, un garde demande un baiser à la bouquetière, un bourgeois initie son fils au théâtre, des pique-niqueurs boivent, des pages font des farces, un « tire-laine » éduque des acolytes débutants, les marquis « m’a-tu-vu » s’exprimer à haute voix, le personnel du théâtre officie (le portier, la bouquetière, la « distributrice », l’allumeur), etc.

Le parti-pris ici est celui d’une description à grande échelle, le contraire de la suggestion et de la rétention. Le rideau se lève sur un spectacle grandiose (un « contenu à forte valeur ajoutée» – « high production value »). Le récit semble revendiquer la même indépendance et le même « panache » que son personnage principal et se place, comme lui, à contre-courant des conventions et des modes de son époque (le vaudeville, Tchekhov, Ibsen, Strinberg).

Vocabulaire difficile, allusions littéraires obscures et alexandrins

L’agent narrateur a fait le choix d’équiper ses personnages d’un langage « littéraire » non réaliste, celui des pièces du XVIIe siècle, que le public français a étudié dès l’école primaire (Molière, Corneille, Racine). Les mots difficiles et les références historiques témoignent de ses compétences et participent à assoir sa crédibilité de chercheur académique. Il est prêt à prendre le risque de perdre son agent récepteur (ils∙elles se précipiteront sur l’édition du texte de la pièce), ce qui, d’une certaine manière, renforce sa sincérité.

Mais pourquoi l’alexandrin ? Pour ajouter une dimension poétique et/ou comique ? Pour « faire vrai » ?

Le recours à un style « ciselé », réclamant une attention de tous les instants, est peut-être une manière de désigner le langage comme obstacle possible à l’expression des émotions vraies. Cyrano peut dire de belles choses sur l’amour à Roxane, mais jamais il ne parvient à trouver les mots pour confesser ses insécurités. Lorsque Christian lance son cri du cœur « je t’aime tant ! » sans parvenir à « broder » comme le demande Roxane, cette dernière n’« entend » pas sa sincérité. Le langage est souvent une cosmétique de l’âme, et il est parfois difficile de prendre au sérieux les sérénades du protagoniste (que peut donc bien écrire Cyrano à Roxane depuis le siège d’Arras dans ses DEUX lettres quotidiennes?!)

Le choix des valeurs significatives du Monde de l’intrigue

Il y a deux traits particuliers de la société parisienne sous Louis XIII que l’agent narrateur semble vouloir exploiter dans son récit, notamment dans la première scène au théâtre : l’importance de l’apparence et l’omniprésence de la tromperie, deux valeurs au cœur de son intrigue.

Le Tout-Paris vient à l’hôtel de Bourgogne pour s’y faire voir et pour juger le style vestimentaire des autres spectateurs. Dans ce monde où le paraître est une valeur prédominante, le protagoniste, à la plastique hors norme, a toutes les chances d’être la cible du regard critique des gens qui l’entourent.

Les mousquetaires ne paient pas leurs entrées, car ils sont… mousquetaires, disent-ils. Les valets volent de la bougie à leurs maîtres, les pages « pêchent » les perruques et les tire-laines, les bourses. De Guiche cherche à marier Roxane à un mari postiche, la femme de Raguenau trompe son mari, les jeunes poètes sont des pique-assiettes… et Cyrano trompe Roxane en lui faisant croire que Christian a un talent oratoire et épistolaire…

Sc. 4 « Caractérisation » du protagoniste en contradiction (cohésion)

L’opinion de l’agent narrateur sur le protagoniste de l’intrigue est perçue d’une manière ou d’une autre par l’agent récepteur. Consciemment ou non ce dernier cherche à savoir si la narration véhicule un jugement sur l’un ou plusieurs des éléments de l’intrigue.

L’agent narrateur de Cyrano de Bergerac donne l’impression d’une grande tendresse pour son protagoniste sans pour cela camoufler ses contradictions. Il n’hésite pas à l’opposer à lui-même sur au moins deux points centraux de l’intrigue : la vérité et l’indépendance.

Cyrano

Moi, c’est moralement que j’ai mes élégances.
Je ne m’attife pas ainsi qu’un freluquet,
Mais je suis plus soigné si je suis moins coquet ;
Je ne sortirais pas avec, par négligence,
Un affront pas très bien lavé, la conscience
Jaune encor de sommeil dans le coin de son œil,
Un honneur chiffonné, des scrupules en deuil.
Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise,
Empanaché d’indépendance et de franchise ;
Ce n’est pas une taille avantageuse, c’est
Mon âme que je cambre ainsi qu’en un corset,
Et tout couvert d’exploits qu’en rubans je m’attache,
Retroussant mon esprit ainsi qu’une moustache,
Je fais, en traversant les groupes et les ronds,
Sonner les vérités comme des éperons.

Cyrano se targue de dire des vérités, alors qu’il ne peut pas révéler ses sentiments à Roxane.

Lorsqu’un fâcheux le confronte à son manque de protecteur, Cyrano revendique son indépendance (sans lui dire qu’il reçoit une pension de son père), puis l’accuse de regarder son nez, incapable qu’il est d’échapper à cette servitude.

L’agent narrateur rabaisse son superhéros (ses faits d’armes) au niveau d’un commun des mortels fanfaron et faillible pour le rendre sympathique.

À moins que ce destin écrit d’avance soit précisément ce qui le touche et influence sa narration ?

La gestion de la « focalisation externe »

L’agent narrateur d’un récit interprété par des acteur∙rice∙s (« focalisation externe ») doit gérer la représentation des pensées et émotions des personnages, l’expression de leur monde intérieur.

Les deux procédés les plus évidents sont : le personnage confident et l’aparté.

On apprend, grâce à Le Bret, que Cyrano est amoureux de Roxane. C’est le premier évènement qui fait avancer l’intrigue à la fin du premier acte. Mais le confident recueille également les aveux de souffrance secrète de celui qui veut passer pour un champion.

Mon ami, j’ai de mauvaises heures !

De me sentir si laid, parfois, tout seul…

L’aparté est une convention théâtrale probablement née de la propension qu’ont les êtres humains à parfois se parler à soi-même et à voix haute.

Au début de l’acte II, Cyrano arrive chez Ragueneau alors que celui-ci reçoit ses protégés, de jeunes poètes qu’il nourrit gratuitement. Il veut écrire une lettre à Roxane pendant que le pâtissier récite une recette en vers qu’il a composée.

Cyrano, reprenant la plume et éloignant du geste Ragueneau.

Chut !

(À lui-même)

Ecrire, plier, –

Lui donner, – me sauver

(Jetant la plume)

Lâche !… Mais que je meure,

Si j’ose lui parler, lui dire un seul mot… II, 3, p 96

Le protagoniste a exprimé son dégoût de soi-même, sans que les gens autour de lui l’ait entendu. L’agent récepteur est ainsi informé des insécurités du protagoniste et partage sa charge émotionnelle.

Un procédé plus subtil consiste à exprimer un sentiment intérieur à travers une action verbale. Il y a un exemple intéressant dans la suite de la scène chez Ragueneau :

Cyrano écrit sa lettre en sachant qu’il sera incapable d’adresser la parole à Roxane. Il est convaincu qu’elle se moquerait de lui (RISQUE), mais malgré tout cette lettre est la clé qui lui permettra d’être impliqué dans une relation amoureuse (ENJEUX). Cyrano veut se convaincre de la légitimité de sa lettre.

Mais tout ceci n’est pas dit par le personnage. L’agent narrateur utilise un moyen indirect pour le communiquer.

Plus tard, après que Ragueneau a récité sa recette-poème, Cyrano essaie de lui faire remarquer que ses protégés s’empiffrent derrière son dos. Ragueneau lui répond avec un sourire :

Je le vois…

Sans regarder, de peur que cela ne les trouble ;

Et dire ainsi mes vers me donne un plaisir double,

Puisque je satisfais un doux faible que j’ai

Tout en laissant manger ceux qui n’ont pas mangé !

Cyrano lui frappe l’épaule et lui dit :

Toi, tu me plais ! (II, 4 p. 100)

Cette action verbale du protagoniste (établir un rapport d’affinité) nous permet de pénétrer dans l’intimité émotionnelle de Cyrano. Celui-ci désapprouve le parasitisme des jeunes poètes, mais s’identifie à Ragueneau, car comme dans son cas, malgré l’évidence de l’échec (RISQUE) les tentatives engendrent le plaisir (ENJEUX).

La fin

Au début du cinquième acte, un point demeure en suspens : Roxane n’a toujours pas découvert l’imposture de Cyrano… Va-t-elle l’apprendre ? Comment va-t-elle réagir ?

L’agent narrateur peut décider de ne pas répondre à toutes les questions, de ne pas satisfaire toutes les attentes du récepteur de son récit.

Néanmoins, une intrigue se termine généralement par un dernier évènement qui contribue à créer l’impression d’un certain degré de finitude. Les évènements principaux de l’intrigue sont connus, ainsi que le point de vue de celui ou celle qui les narre, ses intentions quant au dernier « effet » qu’il∙elle veut produire sur son public.

Que peut finalement arriver à Cyrano, qu’on a voulu drôle, pathétique, rongé par ses insécurités et les tourments de son cœur au point de nous émouvoir, troubleur de fête, habile rhéteur que les contradictions et la mauvaise foi ne font pas peur ?

La décision est prise de le faire mourir…

Ce dernier obstacle constitue l’un des éléments de la stratégie « dialectique » de l’agent narrateur, sa compréhension du protagoniste, de l’intrigue et le sens qu’il∙elle veut leur donner.

Cyrano et Roxane auraient pu continuer à vieillir en parfaite amitié sans que le secret soit divulgué (« ce sublime silence » V,6). Le protagoniste aurait pu se consoler avec cette intimité amicale et accepter que la raison l’emporte sur la passion, comme Rick dans le film Casablanca. Ce développement laisserait une jeune femme victime d’une manipulation dont elle n’est pas même consciente et un coupable impuni.

Le sort des victimes directes ou indirectes des actes du protagoniste fait partie des points à considérer pour la fin. Un exemple : Christian est mort sans avoir été aimé pour lui-même. C’est la fidélité de Cyrano au « secret » qui « répare » cette injustice.

Roxane aurait pu découvrir le secret de Cyrano, lui déclarer son amour et l’inciter à cesser de se faire des ennemis. C’est la version du film Madame Doubtfire (1993) dans lequel la mère des enfants réalise que sa colère envers son ex-mari est à l’origine de l’imposture de ce dernier (il s’est déguisé en gouvernante anglaise) et des tensions qui lèse leurs relations familiales. La responsabilité de Roxane ne sera pas abordée.

Cyrano aurait pu finalement passer aux aveux, comme le protagoniste du film Tootsie (1982), mais à la différence du personnage de Dustin Hoffmann, Cyrano ne découvre pas que son mensonge fait obstacle à un nouvel objectif (Tootsie tombe amoureux d’une collègue et décide que son objectif de départ, décrocher un rôle, perd de sa valeur). Cyrano est convaincu que la vérité est l’obstacle qui l’empêche d’atteindre son objectif.

L’agent narrateur préfère confronter son protagoniste à la réaction de Roxane au moment même où il va mourir. La mort justifie la révélation du secret. Cyrano demande à lire la dernière lettre de Christian que Roxane garde autour du cou dans un scapulaire. La lumière du jour baisse, Roxane constate que Cyrano connaît la lettre par cœur et, de fil en aiguille, découvre le pot aux roses.

Cette mort est ironique, car elle permet au protagoniste d’atteindre son objectif initial : déclarer ses sentiments à Roxane, c’est un obstacle « adjuvent », mais aussi opposant car elle l’empêche d’en jouir.

La pièce se termine lorsque Cyrano meurt, soit soixante-seize vers après que Roxane lui a dit « Je vous aime, vivez ! »

Cette brièveté brutale est l’essence de l’effet final du récit, un choc que l’agent narrateur choisit de provoquer pour mettre en garde son public à la manière des récits édifiants (« cautionary tales »)

L’erreur de Cyrano, héros tragique, est d’avoir cru qu’un détail physique est un obstacle rédhibitoire à l’amour, alors que l’amour a pour don d’effacer tout défaut.

Le récit des conséquences cruelles de son complexe d’infériorité veut nous faire réfléchir sur les normes esthétiques et autres conventions sociales qui peuvent contribuer à nous empêcher d’être nous-mêmes.

Le bonheur est l’enjeu, les choix autodestructeurs sont les risques.

Cyrano n’avait pas entièrement confiance en l’amour.

A propos de ce site   »