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Le lien de cohésion entre le monde de l’intrigue et les personnages qui l’habitent peut participer au sens de l’œuvre

Les termes en italique sont propres à ce site. Vous trouverez leurs définitions dans le glossaire.

Un des liens de cohésion les plus fréquents entre les individus et le monde auquel ils appartiennent est le conformisme.

Dans l’incipit de Madame Bovary, l’agent narrateur passe moins de temps à nous faire le portrait d’un monde (une école) qu’à nous décrire les comportements des personnages qui en gèrent les valeurs.

L’entrée en matière, in medias re (= au cœur de l’action) laisse à montrer des comportements « normalisés » par le système scolaire urbain de 1828, et la situation inconfortable dans laquelle se trouve un individu qui débarque dans cette société sans en connaître les codes.

Nous sommes d’entrée sollicité∙e∙s pour réfléchir sur le poids du groupe et des règles sociétales sur l’identité individuelle, un des thèmes centraux du roman.

Nous étions à l’Étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail.

L’Étude : Un espace à la fois physique et temporel. Le monde « crée » son propre langage. L’arrivée d’un nouvel élève a des conséquences pratiques (chaîne cause/effet). L’Étude, un endroit ennuyeux, ne requiert normalement pas l’attention de ses occupants. On peut y dormir (premier code).    

Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître d’études :
      – Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l’appelle son âge.

Un protocole énigmatique démarque d’entrée le protagoniste de son environnement. L’école cultive la valeur du mérite (travail et conduite) chaîne cause/effet.

On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n‘osant même croiser les cuisses ni s’appuyer sur le coude, et, à deux heures, quand la cloche sonna, le maître d’études fut obligé de l’avertir, pour qu’il se mît avec nous dans les rangs.

Le monde impose sa routine et définit une ligne temporelle (chaîne cause/effet). L’environnement et la situation sont intimidants pour quelqu’un qui arrive de l’ « extérieur ». L’observateur est amusé par cette ignorance des codes de comportement.   Une organisation quasi militaire.   Une forme de rébellion passive-agressive du groupe, un autre code.

Nous avions l’habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d’avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c’était là le genre. Mais, soit qu’il n’eût pas remarqué cette manœuvre ou qu’il n’eût osé s’y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux.

Un conformisme frondeur se greffe sur le conformisme social dominant.    Néanmoins le fait de ne pas faire comme les autres attire l’attention et provoque une forme de moquerie chez l’observateur : l’école opprime et fabrique des oppresseurs.

Ce monde, et cette situation imposent des contraintes spécifiques aux personnages impliqués. Ceux-ci négocient ces contraintes et créent d’autres contraintes non moins asservissantes.

Cette société ne laissera aucune chance aux rêves non conformistes et aux désirs d’« élévation » d’Emma Bovary. Ceci est « annoncé » dans les premières lignes de l’œuvre.

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