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Scénario de film : Développer une intrigue forte autour d’un thème

Les termes en italique sont propres à ce site. Vous trouverez leurs définitions dans le glossaire.

Pour créer un Scénario de film, on peut lier par cohésion chaque obstacle des événements qui précèdent et ceux qui suivent une situation donnée.

En 1928, Charlie Chaplin commence le développement d’un nouveau scénario sur la base d’une idée qu’il dit avoir eu pendant la production de son film à succès Le Cirque :  un clown cherche à tout prix (obstacle) à cacher à son enfant (objectif) qu’il est en train de devenir aveugle (obstacle)

Le thème de la cécité semble avoir éclairé la création de l’intrigue des Lumières de la ville (City Lights). A posteriori ce choix était logique pour Chaplin, car en phase avec l’identité de son protagoniste.

Le petit vagabond est un sans-abri rejeté par la société. Les autres ne le voient pas comme un être humain, mais comme un parasite. Son humanité lui est niée. La société a décidé de ne pas le voir. La société est aveugle. Lui faire rencontrer un personnage qui ne peut pas voir (application du facteur cohésion/similarité) est une situation ironique qui renforce son désespoir.

Charlot tombe donc amoureux d’une jeune femme aveugle…

Le premier évènement qui vient à l’esprit est celui de la découverte de la cécité de ce personnage par le protagoniste.

City Lights, United Artists, 1931

Cet obstacle contingent (la cécité) est l’occasion, pour le protagoniste et l’agent récepteur, de méditer sur la cruauté du sort. La seule personne qui manifeste de l’intérêt pour Charlot ne le voit pas, comme la société qui le rejette…

Imaginons être à la place d’un agent narrateur qui démarre la création de l’intrigue et du récit en partant de cette idée : le protagoniste découvre qu’une jeune femme qui lui plaît est aveugle…

La méthode proposée est d’explorer l’application de différents types de facteur cohésion pour imaginer les circonstances de leur rencontre et les évènements qui mènent à la découverte de la cécité, et ceux qui la suivent :

/Causalité. Le premier facteur permet d’adresser la question des causes de la rencontre de Charlot et de la jeune femme. Qui des deux a le meilleur prétexte pour amorcer une conversation ? Charlot, plutôt timide, n’a pas l’habitude d’aborder les femmes dans la rue. Ce sera donc elle, principalement parce qu’elle ne voit pas à qui elle a affaire.

/Contradiction. Pourquoi l’interpelle-t-elle ? Elle croit qu’il est riche, c’est le contraire d’un trait de sa « caractérisation ».

/Causalité. Pourquoi est-ce important pour elle qu’il soit riche ? Parce qu’elle veut lui vendre quelque chose (elle ne l’aurait pas voulu si elle avait vu qui il était). Vendre des fleurs dans la rue est une activité professionnelle plausible pour une jeune femme aveugle sans le sous (« caractérisation ») …

Scénario de film
City Lights, United Artists, 1931

/Causalité. Pourquoi le croit-elle riche ? Parce qu’elle sait que ses clients sont riches et qu’elle croit qu’il est l’un deux.

/Causalité. Pourquoi croit-elle que Charlot est l’un de ses clients riches ? Cela ne peut être que parce qu’elle a entendu quelque chose. Ce son doit être lié à l’activité de ses clients. Sortent-ils d’un grand magasin ? D’un théâtre ? D’un restaurant ? Aucun de ces lieux n’est familier au personnage du petit vagabond.

/Causalité. Alors pourquoi Charlot se trouve-t-il à cet endroit ? On pourrait accepter que sa présence soit due au hasard (il n’a rien d’autre à faire que d’errer dans la ville), mais on peut aussi mettre la barre plus haut et trouver un lien de cohésion avec la situation de base : la présence d’une vendeuse de fleurs sur un trottoir, là où se trouvent des clients fortunés : Ses clients sortent de leurs voitures, et claquent leurs portières.

City Lights, United Artists, 1931

/Causalité. Pourquoi Charlot sortirait-il d’une de ces voitures ? Pour trouver une raison, appliquons un autre facteur cohésion à cette situation :

/Contradiction. Charlot n’utilise pas une voiture pour se déplacer, mais comme simple itinéraire de passage. Ce n’est pas la voiture qui se déplace, c’est lui…

/Causalité. Pourquoi doit-il utiliser cet itinéraire ? Parce qu’il n’a pas le choix et qu’il doit s’échapper de quelque chose ou de quelqu’un…

City Lights, United Artists, 1931
City Lights, United Artists, 1931

Maintenant, Charlot rencontre la vendeuse. Elle l’interpelle pour lui proposer une fleur.

/Causalité. Comment Charlot réagit-il quand la vendeuse de fleurs l’interpelle (suspense). Il est surpris (comment peut-elle penser qu’il lui achète une fleur, lui un vagabond sans le sou ?!) et troublé (peut-être est-elle intéressée à lui ?)

City Lights, United Artists, 1931

Pendant quelque temps, le protagoniste croit qu’il vit un évènement interpersonnel : Il s’approche, choisit une fleur, laisse la vendeuse s’approcher de son visage et lui palper le col, ramasse la fleur tombée au sol… jusqu’au moment où il réalise qu’elle est aveugle et comprend qu’il se trouve au sein d’un évènement contingent (l’idée de départ). Ce qu’il croyait être de l’ « intérêt » est en fait une méprise due à sa cécité (« insight » : cruelle ironie)

L’information est confirmée lorsqu’elle entend un client claquer la porte de sa voiture.

City Lights, United Artists, 1931

La jeune femme, qui veut lui rendre la monnaie, le croit parti. Charlot est redevenu une non-personne…

Suspense : que va-t-il faire ?

Confus, il s’éloigne sur la pointe de pieds.

City Lights, United Artists, 1931

Avant de réapparaitre un instant plus tard.

City Lights, United Artists, 1931

Que s’est-il passé « hors caméra » ?

Un évènement de type intrapersonnel relié à la donnée de base (une jeune femme aveugle) par l’application du facteur cohésion/concordance : Que signifie la cécité de la jeune femme pour Charlot ? Un moyen de la regarder sans qu’elle s’en aperçoive…

Il réalise cette opportunité, fait demi-tour, s’installe, la fixe des yeux… et subit une autre application du facteur cohésion à la cécité de son amoureuse, cette fois-ci il s’agit de /inévitabilité : Quand on est aveugle, on ne voit pas…

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