Arguments et discours argumentatif
Le discours argumentatif a pour but premier de convaincre de l’exactitude, de la valeur, de la légitimité, de la pertinence d’une information, d’une idée, d’une opinion, d’une thèse, d’une émotion, etc.
Le discours argumentatif est narratif lorsque l’argumentation participe à la compréhension des évènements de l’intrigue, sinon il est non narratif et ralentit le fil du récit.
Sur ce site, lorsqu’il produit de l’argumentatif, l’agent narrateur se mue en agent argumentateur.
* Cet outil narratif (comparons-le à un marteau) utilisé dans certaines conditions (précision et force pour le marteau), permet d’obtenir certains résultats pratiques (planter un clou pour accrocher un tableau). Mais ce résultat est généralement au service d’une finalité plus significative (décorer, séduire un public, afficher des opinions, etc.) que nous appelons sur ce site fonction narrative.
Pacte d’adhésion
Pouvoir se projeter dans des possibilités imaginaires ou réelles.
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Expérience cognitive
Améliorer notre compréhension du monde et de nous-mêmes.
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Expérience émotionnelle
Eprouver et partager toutes sortes d’émotions.
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Points clés:
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Une argumentation est un ensemble fini d’éléments argumentatifs (mots, images, son, matière)
Elle est constituée d’une « conclusion » (opinion, concept, thèse, hypothèse) et d’un ou plusieurs arguments censés apporter la preuve de la pertinence de la « conclusion ». Ces arguments peuvent se présenter sous des formes diverses : reformulations, descriptions, illustrations, exemples, contre-exemples, comparaisons avec d’autres thèses, références à des sources d’autorité, figures rhétoriques, etc.
Une argumentation, émise par l’agent narrateur principal ou un personnage, interrompt le fil du récit de l’action et des évènements. Elle contribue au ralentissement (expansion) d’un récit.
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Un élément argumentatif constitue une argumentation partielle (arguments), transitoire, brève, sans donner l’impression de suspendre la narration
Un élément argumentatif (ou élément à valeur argumentative) n’est pas seulement exprimé par des mots, des paroles et des images, mais également de manière indirecte et/ou implicite, voire cachée. On peut considérer par exemple que toute narration a une valeur argumentative (entre autres celle de nous convaincre de son authenticité, de sa vraisemblance), qu’un passage purement descriptif peut avoir une fonction persuasive et que l’expression d’une opinion est l’une des conditions de l’originalité…
Deux exemples d’éléments argumentatifs:
Comme suite à son embarras et à sa joie irraisonnée, il se consumait d’émerveillement devant la présence de Daisy. Il y avait si longtemps que cette idée le possédait, il l’avait vécue si totalement en rêve, il l’avait attendue, les dents serrées, pour ainsi dire, avec un degré d’intensité si inconcevable, qu’à présent, en pleine réaction, il cessait de fonctionner comme une montre qu’on a remontée trop à fond.
Un moment après, elle m’a demandé si je l’aimais. Je lui ai répondu que cela ne voulait rien dire, mais qu’il me semblait que non. Elle a eu l’air triste.
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Un point de tension argumentative révèle l’inhabituel, l’inattendu, l’inconnu, l’imprévisible
C’est l’incursion de la surprise dans le discours argumentatif, provoqué par le contenu et/ou la forme.
… Il faut toujours surveiller ses amis. Sinon, ils vous échappent… Regarde ce malheureux Yvan, qui nous enchantait par son comportement débridé, et qu’on a laissé devenir peureux, papetier…
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Argumentation et élément argumentatif : Questions préliminaires
1. L’agent narrateur a-t-il·elle des convictions ?
Il est à noter que le doute peut être une forme de conviction (la philosophie).
L’intentionnalité peut être un indicateur de la présence de convictions. L’acte même de narrer n’est-il pas en soi le résultat d’une conviction ?
2. Si l’agent argumentateur a des convictions, veut-il·elle convaincre (raison) ou persuader (émotions) un agent récepteur de l’exactitude et de la pertinence de ses idées ?
Il·elle peut vouloir partager ses opinions sans chercher à soutenir une thèse et influencer quelqu’un : arguments sans argumentation. On parlera alors de délibération, réfutation, « exploration d’un sujet », etc.
3. Par quel canal l’agent argumentateur choisit-il·elle de transmettre ses opinions et les arguments censés convaincre et persuader son auditoire ?
– Le discours argumentatif. Un personnage exprime une opinion, la soutient par un ou plusieurs arguments, dans le but d’atteindre l’un des objectifs de l’intrigue.
Le Chevalier (au valet) : Un verre pour Monsieur le Marquis ?
Le Marquis : Pas trop petit, le verre[objectif]. La bourgogne n’est pas une liqueur [thèse]. Pour en juger, il faut en boire suffisamment [argument]
– Le canal direct-explicite : Le fil du récit est interrompu par une argumentation dont l’origine (l’auteur·rice-narrateur·rice) ne fait aucun doute. Exemple : les fables de La Fontaine.
– Le canal indirect-explicite : Une argumentation ou des éléments argumentatifs sont dispensés par le·la narrateur·rice de l’intrigue et/ou un personnage homodiégétique. Ce choix (très fréquent au théâtre) peut constituer une entorse au principe de caractérisation consistante et poser la question de savoir si les personnages sont/doivent/peuvent être les porte-paroles de l’auteur·ice-narrateur·rice. Exemple : Candide à la fin du Candide de Voltaire ?
– Le canal implicite. Aucun élément argumentatif concret, mais le récit est une forme de raisonnement (Par ex. démonstration argumentative) destiné à prouver ou réfuter une proposition donnée à l’appui d’une thèse. Exemple : La peste, Albert Camus, 1942, un roman philosophique sur l’emprisonnement imposé par un ennemi surpuissant.
Le titre d’un ouvrage peut prendre une valeur argumentative implicite : Par exemple : Une maison de poupée (Et Dukkehjem), Henrik Ibsen, 1879. Une pièce de théâtre sur le destin d’une femme mariée norvégienne dominée par des hommes paternalistes.
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Les argumentations et les éléments argumentatifs génèrent du sens dont le but ultime peut être de :
– Poursuivre un objectif explicite, défini à la suite du dernier évènement de l’intrigue, ou implicite (histoire).
– Nous convaincre de la réalité ou de la vraisemblance du(des) mondes en présence (pacte d’adhésion).
– Nous convaincre des compétences de l’agent argumentateur (pacte d’adhésion),
– Nous connecter à son système de raisonnement (expérience cognitive)
– Forger nos convictions émotionnelles (expérience émotionnelle)
– Rassasier notre désir de connaissances (expérience cognitive).
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Une comparaison (facteur cohésion) est argumentative lorsqu’elle implique une ironie, moquerie ou jugement de valeur (fonction cognitive)
Exemple : « Dans cette affaire, le président se conduit comme un marchand de tapis».
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Une argumentation peut être structurée (application des facteurs cohésion, vitesse)
Dans les œuvres narratives, les arguments sont le plus souvent inscrits dans la ligne temporelle du récit. Par exemple :
[…] le but de la vie n’est pas le maintien du bien-être, mais quelque renforcement, quelque raffinement de la conscience, quelque accroissement de savoir… Chose qui, songea l’Administrateur, peut fort bien être vraie, mais est inadmissible dans les circonstances présentes. Il reprit sa plume, et sous les mots « Ne pas publier » tira un second trait…
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