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Donner aux personnages les capacités de poser un regard critique sur les valeurs du monde auquel il.elle.s appartiennent

Les termes en italique sont propres à ce site. Vous trouverez leurs définitions dans le glossaire.

Les enjeux et risques associés à l’environnement des personnages sont potentiellement la source de surprises riches en découvertes révélatrices (« insight »)…

Le premier livre de la série intitulée Histoires napolitaines a pour sujet l’enfance et l’adolescence de deux protagonistes dans un quartier pauvre et violent de la banlieue de Naples : Elena (« Lenù ») Greco et Raffaella (« Lila ») Cerullo.

Elena, à la fois éblouie et intimidée (surprises) par Lila, fait tout pour être à sa hauteur et obtenir son approbation.

Bien que ses parents n’imaginent pas que leur fille puisse continuer ses études au-delà de l’école primaire, Elena obtient de bons résultats (surprise) qui lui permettent d’entrer au collège. Quant à Lila, un enfant prodige qui a appris toute seule à lire et à écrire, elle part travailler après l’école primaire avec son père et son frère dans la cordonnerie familiale (surprise).

Lila déclare vouloir continuer à étudier le latin, mais la réparation des chaussures lui prend tout son temps et les deux amies se perdent de vue.

L’extrait choisi est le chapitre huit de la deuxième partie : « Adolescence – Histoire des chaussures »

Après une première année de collège décevante, Elena est recalée. Lila, qui a appris les bases du latin toute seule, l’aide à réviser pendant les vacances d’été. C’est une tutrice sévère et exigeante. Quand il est temps pour Elena de retourner à l’école, Lila lui promet de continuer à étudier tout en travaillant à la cordonnerie.

Au cours de la deuxième année scolaire Elena obtient de très bons résultats scolaires (surprise fonctionnelle) L’agent récepteur participe au sentiment positif que ressent Elena vis-à-vis de sa relation avec Lila.

Mais Elena est aussi intriguée par le fait que ses progrès scolaires ne semblent pas motivés par sa volonté de réussir, mais par sa volonté de faire plaisir à son amie (surprise intrapersonnelle).

… et du coup je crois que je ne travaillais pas tant pour le collège que pour elle.

La narratrice fait ensuite une analyse du sens de la situation et introduit ainsi la matière de ce nouveau chapitre (« insight »). Il sera question de l’ascendant que les autres peuvent exercer, et plus généralement du pouvoir de la société, du statut social sur les individus.

Un autre évènement ajoute à l’impression qu’elle n’est pas/plus maîtresse d’elle-même : l’arrivée de la puberté.

 Cette année-là j’eus l’impression de me dilater comme de la pâte à pizza. Je devins de plus en plus ronde – ma poitrine, mes cuisses mes fesses. 

Cet évènement contingent devient un nœud narratif liés au précédent par le facteur cohésion : Encore une fois quelque chose se passe (surprise) qu’Elena a l’impression de ne pas avoir vraiment choisi librement…

L’évènement suivant est de type interpersonnel. L’agent narrateur a choisi d’en faire le récit maintenant pour illustrer l’idée de perte de contrôle qui l’occupe depuis le début de ce chapitre. Notez l’absence de point à la ligne entre le premier nœud narratif et la narration de l’évènement suivant :

Je devins de plus en plus ronde – ma poitrine, mes cuisses mes fesses. Un dimanche, sur le chemin du jardin, où j’avais rendez-vous avec Gigliola Spagnuolo, les Frères Solara m’accostèrent en Millecento. Marcello, le plus vieux, était au volant, et Michele, le plus jeune, se tenait à ses côtés. Ils étaient beaux tous les deux, avec leurs cheveux noirs et brillants et leur sourire tout blanc. Mais celui qui me plaisait le plus c’était Marcelo, parce qu’il ressemblait à Hector tel qu’il était représenté dans l’édition scolaire de l’Illiade. Ils firent tout le chemin avec moi, j’étais sur le trottoir et ils étaient à côté de moi, en Millecento.

La proximité typographique des deux nœuds narratifs renforce la valeur causale que la narratrice veut donner au second : les garçons l’abordent parce que son corps a changé.

Sera-t-elle libre de donner libre cours à son désir ?

Quand est-ce que tu auras une autre occasion de monter dans une voiture comme ça ? 

Jamais, pensai-je. Mais je dis non quand même et continuai de dire non jusqu’au jardin…

Ce jour-là, Elena a dit non malgré elle.

Ils étaient beaux tous les deux, avec leurs cheveux noirs et brillants… 

Cet évènement intrapersonnel (l’obstacle est une valeur du monde de l’intrigue qu’elle a intégrée : les garçons désirent les filles) est associé au facteur Enjeux et risques dans le récit pour, encore une fois, illustrer la notion d’absence de choix véritable.

Je dis non parce que si mon père avait appris que j’étais montée dans cette voiture, il avait beau être doux, bienveillant et beaucoup m’aimer, il m’aurait aussitôt massacrée, tandis que parallèlement mes deux petits frères Peppe et Gianni, même s’ils étaient encore tout jeunes, se seraient sentis obligés d’essayer de tuer les frères Solara, maintenant et dans les années à venir. Il n’y avait pas de règles strictes, on savait que c’était comme ça et c’était tout. 

Dans ce discours descriptif et argumentatif (« c’était tout ») la narratrice fait le portrait du monde patriarcal dans lequel elle vit.

Elle décide ensuite d’illustrer les enjeux et risques en présence par un autre exemple sous la forme d’un récit enchâssé. Elle fait la narration de ce qui est arrivé lorsque son amie Ada a été poussée de force dans la voiture par les frères Solara, l’enchaînement de représailles et de contre-représailles violentes impliquant le frère d’Ada, le père des deux frères et même les employés de ce dernier…

Cet incident apporte une pierre à la réflexion autour du concept de liberté individuelle. Est-il finalement enviable d’être libérée du regard machiste et potentiellement phallocrate des garçons ?

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