Evènement, nœud narratif, point de tension narratif
Un évènement est provoqué par un obstacle (opposant, adjuvant, ou compliquant), lequel introduit une dimension mystérieuse, imprévue et/ou imprévisible dans la quête du protagoniste. Sur ce site, un évènement est le constituant fondamental d’une intrigue.
Les évènements créés par des obstacles facilement maîtrisé sont appelés des micro-évènements.
La surprise est l’effet d’un évènement sur le protagoniste, un ou plusieurs personnages et l’agent récepteur.
Un nœud narratif est un évènement mis en récit, c’est-à-dire qu’au moins un facteur narratif a été appliqué à un ou plusieurs de ses constituants (protagoniste, objectif, action, obstacle, surprise). La surprise qu’il produit est appeléepoint de tension narratif.
Un point de tension peut également être purement esthétique. La surprise créée n’est pas l’effet d’un évènement mais d’un discours non narratif (descriptif, argumentatifs, informatif, poétique-lyrique). La manière dont ce discours est transmis (le « style ») provoque l’imprévu, l’imprévisible, le mystère.
(…) c’est un petit val qui mousse de rayons.
Pour aller plus loin sur la surprise:
Outil narratif
Surprise
Un obstacle peut contribuer à la réalisation d’un objectif. Par exemple, la naïveté ou l’arrogance peuvent être des gages de réussite dans certains milieux ou certaines situations.
Les évènements sont classés ici en fonction du type de leurs obstacles, lesquels sont considérés ici comme des outils narratifs :
1. Le destin. La chance ou le manque de chance. La fatalité. Une force naturelle ou surnaturelle. Les contingences du corps humain
Ici, l’obstacle opposant, adjuvant ou compliquant, est indépendant de la volonté du protagoniste. Celui-ci ou celle-ci se trouve au mauvais/bon endroit au mauvais/bon moment dans une situation incontrôlable.
Outil narratif
Evènement contingent
2. La négligence du·de la protagoniste, sa naïveté, son ignorance, son arrogance, une perte de contrôle, une impulsion
Le·la protagoniste n’a aucun état d’âme. En ce qui le·la concerne le comportement qu’il·elle a choisi est correct, pourtant il·elle est directement responsable de son sort…
Outil narratif
Evènement fonctionnel
3. Les « autres »
Famille, amis, connaissances, inconnus divers, la « société ». Leurs actions, attentes, carences, etc.
Outil narratif
Evènement interpersonnel
4. Les états d’âme du·de la protagoniste, ses « complexes », sa conscience, ses croyances
Les sentiments négatifs ou positifs, conscients ou non, qui constituent la psyché du personnage.
Outil narratif
Evènement intrapersonnel
Points clés
• Un évènement ou un nœud narratif marque la transition d’un discours purement descriptif ou argumentatif à un discours narratif
Quelque chose se passe qui bouscule la « carte postale », l’instantané, ou la simple description d’une action, d’une idée, d’un objet animé ou non.
• Il est provoqué par un obstacle qui empêche la réalisation du connu, du prévu, du prévisible, ou permet la réalisation de l’inconnu, de l’imprévu ou de l’imprévisible
Dans les récits fictionnels de narration classique, c’est le seul élément entièrement contrôlé par l’agent narrateur. Il·elle choisit un agent perturbateur (opposant, adjuvant ou compliquant) avec l’espoir d’obtenir une réaction spécifique de la part du·de la protagoniste (principe de la caractérisation cohérente).
• Un évènement produit de l’émotion et une (des) révélation(s) («insight»)
Un personnage ou l’agent récepteur attendait quelque chose de précis, attendait quelque chose de plus vague, ou n’attendait rien du tout (qu’il·elle l’ait décidé ou non) puis soudain « autre chose » se passe (de l’ordre de l’imprévisible, de l’imprévu, du mystérieux), ou rien ne se passe, contre toute attente.
Cette perte de contrôle produit des effets émotionnels et une acquisition de nouvelles connaissances à amplitude variable, comme:
– La surprise (« Je n’avais pas prévu cela !« )
– Le suspense (« Que va-t-il se passer maintenant ?! »),
– Une révélation (« insight » produite par une forme d’erreur (« Que m’apprend cet évènement que je n’ai pas su/voulu prévoir ?» Pourquoi me suis-je laissé surprendre ? « ).
– La curiosité (« J’aimerais savoir ce qui va se passer maintenant…« ).
– L’anticipation («Je pense/j’aimerais/je redoute qu’il va se passer ceci…».
• Ces émotions et ces enseignements sont enregistrés soit par un/des protagoniste(s), soit par l’agent récepteur d’un récit, soit les deux à la fois
Lorsqu’il y a « ironie dramatique », par exemple, seul le personnage est surpris.
• Un évènement a toujours des conséquences
Un évènement « subvertit les attentes » à tel point qu’il modifie le cours d’une intrigue ou d’un récit. Un·e protagoniste incapable d’atteindre son objectif devra soit le changer, soit changer de stratégie (action).
Dans un récit, les effets d’un nœud narratif peuvent être un changement de point de vue, d’opinions de l’agent narrateur, une rupture de style, un flashback, etc.
• Certains évènements jouent un rôle particulier dans l’intrigue, certains nœuds narratifs dans le récit
Ils sont connus sous un nom spécifique :
Evènement premier : L’évènement de l’histoire à l’origine de l’intrigue.
Evènement/Noeud d’intrigue: l’évènement central de l’intrigue, celui qui la « résume ».
Evènement/Nœud de scène: transforme une scène descriptive en un récit.
Evènement/Nœud d’épisode, de saison pour les séries TV, d’acte pour le théâtre, etc.
Evènement/Nœud (narratif) proéminent : Dans une suite d’évènements, celui qui produit la surprise la plus intense.
• Parfois il n’est pas possible de déterminer le type d’un évènement
Il faut en connaître toutes les circonstances (son « contexte »), ou savoir ce que l’agent narrateur veut exprimer à travers lui.
vpro.nl
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Ce piéton est-il la victime d’un conducteur négligeant ou mal intentionné (interpersonnel) ?
Ou aurait-il dû prévoir ce qu’il lui arrive (fonctionnel) ?
Ce même évènement auquel sera associé un facteur narratif (cohésion, distanciation, enjeux-risques, répétition, etc.) deviendra un nœud narratif de type spécifique. Le statut de victime du piéton, ou sa responsabilité seront mis en récit par un agent narrateur, lequel nous transmettra ainsi son point de vue sur cet incident.
• Les agents narrateurs comploteurs d’Alfred Hitchcock
Dans la célèbre interview d’Hitchcock par François Truffaut, il y a un passage, non moins célèbre, cité systématiquement pour expliquer la notion de suspense:
Il y a une nette différence entre « suspense » et « surprise », et pourtant dans les films on confond continuellement les deux. Je vais vous expliquer ce que je veux dire.
Hitchcock décrit ensuite une scène qui peut être un évènement d’intrigue ou un nœud narratif :
Nous sommes en train d’avoir une petite conversation très innocente. Supposons qu’il y ait une bombe sous cette table entre nous. Rien ne se passe, et puis tout d’un coup, « Boom ! » Il y a une explosion. Le public est surpris, mais avant cette surprise, il a assisté à une scène absolument ordinaire, sans conséquence particulière.
Dans l’intrigue, l’obstacle est une bombe qui explose. L’obstacle est identique dans le récit, sauf que le facteur rétention a été appliqué à l’évènement : L’agent narrateur a décidé de ne pas révéler la source de l’obstacle (la bombe placée sous la table).
Maintenant, prenons une situation de suspense. La bombe est sous la table et le public le sait, probablement parce qu’il a vu l’anarchiste la placer là. Le public sait que la bombe va exploser à une heure et il y a une horloge dans le décor. Le public peut voir qu’il est une heure moins le quart. Dans ces conditions, la même conversation anodine devient fascinante car le public participe à la scène. Le public a envie d’avertir les personnages à l’écran : « Vous ne devriez pas parler de choses aussi futiles. Il y a une bombe en dessous de vous et elle est sur le point d’exploser! »
Voici maintenant la description d’un récit dans lequel la décision la plus marquante de l’agent narrateur est d’avoir montré la pose de la bombe sous la table et d’avoir informé les spectateur·rice·s de l’heure de son explosion. Ces choix de mise en récit provoquent :
1. Une surprise (Ils ont mis une bombe sous la table!)
2. Un suspense créé par l’application du facteur rétention à cet évènement interpersonnel (les potentiels victimes vont-elles s’en apercevoir ? La bombe va-t-elle vraiment exploser à l’heure annoncée ? Vont-ils tous perdre la vie ? Etc.)
Dans le premier exemple, nous avons donné au public quinze secondes de surprise au moment de l’explosion.
Certes, mais cette surprise est aussi accompagnée d’un suspense : « Ces personnes vont-elles survivre à cette horrible explosion ? »)
De plus, cet évènement « d’intrigue » génère ensuite des questions rétrospectives (« parmi tous les personnages qui m’ont été présentés jusqu’ici lequel a placé cette bombe sur la table ? Et pourquoi ?) et un processus décisionnel pour la réaction à adopter (si les protagonistes survivent) et notre désire de connaître leur réaction des (« Je veux savoir ce qu’ils vont faire maintenant. »)
Dans le second, nous avons donné au public quinze minutes de suspense.
Le deuxième exemple implique un ralentissement (facteur vitesse) qui est provoqué le plus souvent par du discours non narratif pour « meubler » le suspense… Pour l’agent narrateur, c’est l’attente angoissée d’une résultat destructeur et quasiment assuré qui prime. Pendant ce temps « étiré », les questions sur les causes et conséquences ne sont pas d’actualité.
La conclusion est que, dans la mesure du possible, le public doit être informé. Sauf lorsque la surprise est un rebondissement, c’est-à-dire lorsque la fin inattendue est, en soi, le point fort de l’histoire.
« Doit » ou « peut » ? L’agent narrateur est libre de choisir en fonction de la fonction visées : Expérience cognitive (les questions sur les causes et les conséquences après l’explosion) ou émotionnelle (l’attente angoissée de l’explosion).
Alfred Hitchcock a la réputation de faire usage d’agents narrateurs qui semblent prendre plaisir à torturer les nerfs de leurs agents récepteurs…

[…]en dehors des structures narratives qui permettent de construire l’intrigue, il existe aussi des structures purement esthétiques au sein d’une même série qui ne créent pas une tension narrative mais des échos, des reflets, des rimes, et qui font de l’œuvre, si ce n’est une cathédrale, en tout cas une composition, au sens pictural ou musicale.