The Man with the Golden Arm, 1955, d’après un roman de Nelson Agren, scénario de Walter Newman, Ben Hecht, réalisation Otto Preminger.
L’agent narrateur peut introduire dans l’intrigue un obstacle collatéral (qui n’est pas liée directement au cœur de l’intrigue) mais pertinent à ses yeux, sous la forme d’un personnage secondaire dont l’objectif et les actions (verbales ou physiques) s’opposent (facteur cohésion/contradiction) à celles du protagoniste.
Frankie Machine, croupier de poker clandestin, débarque d’un autocar, de retour de l’hôpital-prison où il a suivi une cure de désintoxication. Il est décidé à ne plus retoucher à la drogue et veut changer de vie en devenant musicien de jazz (objectif central de l’intrigue d’un∙e protagoniste bidimensionnel∙le).
Il s’arrête d’abord au café pour saluer ses copains avant de se diriger vers l’appartement où l’attend sa femme. Il ralentit dans les escaliers, hésitant, tendu comme quelqu’un qui s’attend à vivre un moment pénible…
Zosch l’attend fiévreusement dans son fauteuil roulant. Elle l’accueille avec un discours (action verbale) qui révèle son objectif personnel : concentrer toute l’attention de Frankie sur sa personne, condition, croit-elle, pour qu’il ne la quitte pas. Son action verbale est d’entretenir le sentiment de culpabilité de son époux.
Zosch Frankie ? Oh Frankie! Enfin te voilà ! Oh Frankie, je t’aime tellement ! Oh Frankie tu m’as tellement manqué ! Tu n’as aucune idée à quel point tu m’as manqué. J’étais si seule sans toi, Frankie, si seule.
Frankie Zosch ne pleure pas. Laisse-moi te regarder.
Zosch Mes yeux vont être tout rouge.
Frankie Mais non, ce n’est rien.
Zosch Vraiment ? Mon bouton de fièvre est parti ?
Frankie Ouais. Tu as l’air super.
Zosch J’ai attrapé ce bouton… Je voulais être belle quand tu reviendrais. J’avais peur qu’il ne soit pas parti. Alors j’ai mis cette drôle de crème dessus pour le sécher. Oh Frankie !
Frankie Zosch, tout va bien aller.
L’insécurité émotionnelle et la passivité agressive de Zosch, qui a été la victime d’un accident provoqué par Frankie, constituent non seulement des obstacles à l’objectif du protagoniste (il ne recevra pas ici le soutien dont il a besoin), elles introduisent également un dilemme susceptible de tester l’assise morale de ce personnage picaresque (nous apprendrons plus tard que c’est son ivresse qui a provoqué l’accident de Zosch, qu’il est mêlé au milieu des jeux illégaux, qu’il triche à l’occasion, que son meilleur ami est un voleur de chiens et qu’il trompe sa femme.)
Jusqu’à quand Frankie supportera-t-il l’influence négative de sa femme ? Doit-il/peut-il s’en séparer ? Ne l’a-t-il pas déjà fait ?
Frankie assumera jusqu’au bout ses obligations morales envers sa femme, en dépit de la toxicité de leur relation. Sa persévérance témoigne d’une générosité d’âme qui contrebalance les autres aspects négatifs de sa personnalité. Cette épreuve émotionnelle est le prix à payer pour assurer l’adhésion de l’agent récepteur vis-à-vis d’un protagoniste antihéroïque (« caractérisation », adhésion).