Histoire, évènement premier, personnage multidimensionnel

Aux deux dimensions fondamentales d’un personnage (l’objectif et l’action) peuvent s’ajouter une ou plusieurs dimensions supplémentaires, permettant d’étendre (« épaissir ») l’espace interne d’un personnage à trois dimensions ou plus (multidimensionnel).

Ces dimensions supplémentaires sont constituées des circonstances et antécédents qui ont déterminé, conditionné, justifié les évènements de l’intrigue, et que nous appelons histoire sur ce site.

L’une de ces dimensions est l’évènement premier sans lequel aucun des événements de l’intrigue n’aurait lieu.

Points clés:

• L’histoire ancre l’intrigue dans le passé d’un protagoniste multidimensionnel 

J’ai opté pour une définition inhabituelle du terme « histoire » afin de tenir compte de l’hypothèse qu’une grande partie de nos décisions et comportements sont influencés par notre patrimoine génétique, nos apprentissages, nos rencontres et expériences du passé (= nos dimensions…).

L’histoire est constituée des évènements situés en amont et en aval de l’intrigue. Toute intrigue fait partie d’une histoire.

Une intrigue est un fragment de l’histoire d’un protagoniste, une conséquence de son passé, une cause de son futur.

Un protagoniste multidimensionnel a pour objectif implicite de résoudre le ou les conflits (« traumatismes », « complexes », « secrets », etc.) générés par l’évènement premier.

• Histoire et personnage multidimensionnel: questions de fond

1. Pourquoi le personnage veut-il ce qu’il veut maintenant, et pas plus tard, ou plus tôt?

Est-il·elle, d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement, à l’origine de ce qu’il·elle lui arrive ? Porte-t-il·elle une part de responsabilité?

2.L’intrigue est-elle une manière pour le·la protagoniste de rétablir une forme d’équilibre?

Si oui, quel(s) évènement(s) est(sont) à l’origine du déséquilibre au début de l’intrigue?

3. Quel(s) objectif(s) implicite(s) poursuit le personnage?

Inconscient, motivations cachées, désirs refoulés, non-dits, etc.

• L’histoire nourrit l’intrigue d’obstacles complexes et révélateurs

C’est la compétition entre l’(es) objectif(s) implicite(s) et l’(es) objectif(s) explicite(s) qui apporte une « dimension » supplémentaire à une intrigue.

Exemple : La tragédie Œdipe roi permet de suivre les tribulations d’un personnage aveugle, motivé par le désir d’échapper à son destin et de découvrir sa vraie identité. Œdipe tue un homme qui se révèle être le père qu’il recherche.

Exemple : Dans le film Titanic, Rose n’est pas qu’une passagère qui tente de survivre au naufrage du paquebot, c’est aussi une jeune femme exigeante, qui a soif de liberté. Elle découvre que ses devoirs de jeune femme de la bourgeoisie sont incompatibles avec ses désirs d’indépendance.

Les protagonistes pensent qu’en atteignant leurs objectifs implicites, ils pourront se débarrasser de leurs frustrations existentielles. Œdipe et Rose ont tous les deux été brimés par leurs parents.

• L’évènement premier cristallise le conflit existentiel à l’origine de l’intrigue

Cela peut être une rencontre, une expérience formatrice, une révélation mystique, un traumatisme émotionnel, physique, une révélation, une maladie, un accident, une injustice, etc.

Cet évènement peut être inconnu du protagoniste, oublié, refoulé, fantasmé, connu seulement de l’agent narrateur, un lointain souvenir dans le passé du protagoniste, un évènement dont les causes sont oubliées ou peu claires (Roméo et Juliette), un évènement de l’intrigue.

• Une intrigue est habituellement le produit d’une seule histoire

Exemple :  Dans Oedipe Roi Laios et Jocaste engagent les services de la Pithie pour connaître le destin de leur bébé à naître. Celle-ci délivre un oracle à glacer le sang.

Exemple : Dans Titanic, la mère de Rose oblige sa fille à épouser le riche Cal Hockley pour sauver le statut social de leur famille. Un voyage en Europe est organisé pour rapprocher les fiancés.

• L’histoire définit le monde du personnage

Elle est à l’origine des valeurs qui le sous-tend : ce qui est possible ou pas, désirable ou pas.

Par ici pour les notions de monde et valeurs

• Il ne faut pas confondre un simple « évènement du passé » et l’évènement premier

Il y a des épisodes traumatiques dans le passé d’un personnage qui ne sont pas à l’origine de l’intrigue et ne constituent pas une dimension du protagoniste. Ils ne sont pas suffisamment significatifs (ou trop génériques, anodins, futiles, etc.) pour être des évènements premiers (ou alors ils appartiennent à une autre intrigue…)

Leur emploi dans un récit peut remettre en question sa cohesion.