Sélectionner une page

Agent narrateur¹, agent provocateur?

Nous partons ici du postulat qu’un agent narrateur a toujours au moins une raison particulière de communiquer un récit, et que nous (agents récepteurs) cherchons, plus ou moins consciemment, mais de manière systématique, à la (les) connaître.

L’agent narrateur est intrinsèquement un outil narratif qui permet, en autre chose, d’introduire un point de vue singulier sur l’intrigue. Comme pour tout outil, il est légitime de se demander pourquoi, et dans quel but, il est mis en œuvre.

Mais au-delà des considérations techniques de la mise en récit et des signes linguistiques ou des images, c’est notre capacité à pénétrer dans le monde intérieur, l’intimité émotionnelle d’un autre être humain, ou d’un personnage, qui est en jeu.

Certes un récit nous est transmis qui requiert l’attention de notre intellect et celle de tous nos sens, mais c’est l’agent narrateur, son intelligence, sa sensibilité, ses contradictions, sa mauvaise foi, ses mensonges, ses aveuglements, ses non-dits qui sont le centre d’intérêt ultime, la « magie » de l’expérience narrative².

À condition bien entendu qu’un minimum de sincérité soit à l’ordre du jour.

Pourquoi l’agent narrateur nous transmet-il ce récit en particulier ?

Les raisons les plus fréquentes:

Promouvoir une vérité, une valeur.

Nous faire croire à un mensonge.

Transmettre un savoir

Nous faire réfléchir (sans chercher à nous influencer)

Satisfaire notre sentimentalisme naturel.

Susciter notre empathie.

Nous confronter à nos peurs, faiblesses, désirs, non-dits, etc.

Attirer l’attention sur lui·elle.

Nous punir…

L’agent narrateur·rice doit-il·elle être conscient·e des raisons qui le·la motive pour transmettre un récit?

Il n’y a bien entendu aucune obligation et certain·e·s créateur·rice·s refusent de répondre à des questions du genre :

Pourquoi écrivez-vous ?

Pourquoi faites-vous des films ?

Pourquoi êtes-vous acteur ?

Pourquoi prenez-vous des photos ?

Etc.

Si le·la créateur·rice a le droit de ne pas se poser cette question (certains en font une règle stricte au début du processus de création du récit avant de contrevenir par la suite), l’agent récepteur a le droit de se poser ces questions…

Pourquoi cet agent tient-il par tous les moyens à…

me « divertir » ?

… ou me convaincre de quelque chose ?

…ou me convaincre de sa sincérité ?

etc.

Que gagne-t-il à le faire?

Parfois, dans les récits d’intrigues générées par une histoire (personnages multidimensionnels) des indices de l’intérêt de l’agent narrateur peuvent être trouvés dans l’évènement premier : il y a là au moins une valeur-vérité (remise en question pas un obstacle) que l’agent narrateur veut défendre, promouvoir, imposer, tester, déconstruire à travers son récit.

Les contributions de l’agent narrateur

A

¹ Un agent narrateur est une entité contribuant au choix des outils narratifs et de leurs mise en fonction. Ce peut être l’auteur·rice-narrateur·rice – qu’il ne faut pas confondre avec l’« auteur-personne » –  un·e narrateur·rice extradiégétique, un personnage de l’intrigue, une entité inconnue et indéfinie, ou les collaborateurs de l’acte de création narratif.

² Si vous utilisez un marteau (outil) pour suspendre un tableau (récit) certes je regarderai le tableau en tant qu’œuvre esthétique, mais je serai aussi tenté d’évaluer vos gouts artistiques, votre sens de la décoration, les raisons qui ont motivé votre désir d’habiter votre quotidien avec ce tableau, votre rapport à l’art, etc.