Romeo et Juliette, William Shakespeare, 1597, trad. Victor Hugo
L’évènement de type contingent ultime est le destin de chacun. En coupant court à tout suspense quant à l’évolution de son intrigue (rétention), Shakespeare nous invite à considérer l’amour sous la perspective de cette puissance supérieure et dévastatrice.
L’un des agents narrateurs de la pièce est un chœur au pouvoir surhumain : il peut prédire l’avenir.
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies
A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d’amoureux
Dont la ruine néfaste et lamentable
Doit ensevelir dans leur tombe l’animosité de leurs parents.
Cette information, la survenue d’un évènement de type contingent, n’est pas révélée aux protagonistes (facteur rétention), lesquels s’abandonnent innocemment à leur passion.
Il s’agit d’une « ironie dramatique » qui accorde une certaine avance à l’agent récepteur sur la connaissance d’une information. Roméo et Juliette seront bien conscients de l’impossibilité de leur relation, mais plus tard.
C’est donc bien sur le poids du destin que Shakespeare veut nous faire réfléchir, son caractère imparable et l’obstination que nous avons à creuser notre propre tombe…
– L’agent narrateur est libre de révéler des informations que le protagoniste ignore. Cette liberté peut avoir un prix.
– L’ « ironie dramatique » est l’un des moyens pour diriger l’attention, la réflexion de l’agent récepteur. « Si on m’apprend quelque chose que le protagoniste ignore, cela veut probablement dire que ce quelque chose a une importance particulière ».
– Révéler l’ultime développement de l’intrigue (« spoiler ») peut contribuer à augmenter l’engagement (plaisir, etc.) de l’agent récepteur.