Sideways, scénario d’Alexander Payne, Jim Taylor, 2004, d’après le roman homonyme de Rex Pickett.
Une expérience émotionnelle est créée par l’application du facteur sincérité à l’outil descriptif, lorsque le personnage révèle une vérité personnelle sans s’en rendre compte.
Grand connaisseur de vin, candidat écrivain névrosé, fraîchement divorcé, Miles décrit son cépage préféré à une jeune femme, Maya, une serveuse divorcée qui étudie l’œnologie. Il est séduit, mais son anxiété chronique l’empêche de lui déclarer sa flamme.
Maya, qui a tout compris, cherche un moyen de le faire sortir de sa coquille en visant ce qui est le plus cher à son cœur :
MAYA
Comment ça se fait que tu t’intéresses autant au Pinot ? Tu es un vrai fana !
Miles rit d’abord, sourit ensuite, nostalgique. Il cherche la réponse à la question dans son verre de vin, puis se lance, doucement.
MILES
Je ne sais pas. C’est un cépage difficile à cultiver comme tu le sais. Il est délicat, capricieux, précoce. Ce n’est pas un survivant comme le Cabernet qui pousse partout et prospère même si on le néglige.
Très vite, nous comprenons et probablement Maya aussi, que Miles parle de lui-même :
Il est difficile d’accès…
… vulnérable.
Et quelque chose l’a blessé dont il pourrait ne pas se relever.
MILES
Le Pinot a besoin qu’on s’occupe de lui, qu’on lui donne toute son attention. Et en plus il ne pousse que dans quelques recoins abrités du monde. Seul un viticulteur patient et bienveillant y arrive et parvient à exploiter les délicates et fragiles qualités du Pinot. C’est seulement quand quelqu’un a pris le temps de vraiment comprendre son potentiel que le Pinot peut être amadoué à libérer sa pleine expression. Et quand ça arrive, ses arômes sont les plus envoutants, éclatants, subtils, palpitants, archaïques que l’on puisse trouver sur notre planète.
Maya a trouvé cette réponse révélatrice et émouvante.
Miles délivre indirectement son message : Ne pas se fier aux apparences, un rapprochement est possible malgré tout. Si Maya est patiente, si elle lui fait confiance, sa véritable nature la récompensera.
Cette description d’un cépage est une tentative inconsciente du protagoniste pour entretenir l’intérêt d’une femme qu’il est (encore) incapable d’embrasser et de prendre dans ses bras.
Elle nous émeut, car elle contient l’aveu de sa propre vulnérabilité, gage de sa sincérité.
Son inconscient parle et révèle une part de vérité qu’il n’oserait jamais avouer consciemment.
La sincérité ici est renforcée par le fait que Miles ne réalise pas qu’il révèle des détails intimes sur sa vie intérieure. Cette évidence lui échappe complètement, alors qu’elle n’échappe pas à Maya.
Le rapport inconscient qu’un agent descripteur entretient à l’objet qu’il∙elle décrit, lorsqu’il est concrétisé (par le choix des mots, etc.) – et donc compréhensible pour l’agent récepteur – est un moyen pour renforcer la compréhension du monde intérieur du personnage et l’empathie des agents récepteurs (ici Maya et les spectateur∙rice∙s du film).